Ouest France mardi 01 novembre 2005

Les rapatriements de corps disparaissent progressivement

Peu à peu, les cimetières s’ouvrent aux autres cultes. Ils accueillent de plus en plus souvent des carrés musulmans. Une démarche plus ou moins comprise dans les communes. En cas de problème, la préfecture est prête à jouer un rôle de médiation.

L’espace est souvent discret. Sans limite visible. Seules ses sépultures, aux plaques tombales surmontées d’une pointe en forme d’as de pique, le distinguent des autres. Le carré musulman s’implante peu à peu dans les cimetières de l’agglomération caennaise. « On en a à Colombelles, Ifs, Hérouville et Caen », confirme Khalid Mounir, secrétaire général de l’« Association islamique et culturelle du Calvados », également président du conseil régional du culte musulman (CRCM).

Caen, où le carré du cimetière du parc du Chemin-Vert supplée les 60 m 2 de celui de Clemenceau, complet. « Nous venons d’y enterrer un premier défunt musulman il y a un peu plus d’un mois. » Selon les rites propres à l’Islam.

« Rite mortuaire »

Quelles sont ces particularités ? « L’orientation de la tombe : elle doit être à la perpendiculaire de la direction de la Mecque. » Les musulmans respectent également « le nécessaire rite mortuaire ».

Après les premiers carrés, implantés à Caen et Hérouville, les musulmans ont cherché à ouvrir d’autres sites. « Là où l’on a des membres de la communauté musulmane, précise Khalid Mounir. Avant, les familles rapatriaient systématiquement les corps. Mais ça change : de plus en plus d’enterrements sont réalisés en France. Y compris pour des musulmans pratiquants de la première génération d’immigration. »

Les familles vivent leur foi sur leur terre d’adoption. « Signe de citoyenneté, les enfants ont compris que leur vie est là. La sédentarisation des morts apporte un signe fort. »

Des demandes pour ouvrir des carrés musulmans ont été formulées, un peu partout, dans l’agglomération mais aussi dans la région. « Les musulmans doivent aller voir les maires », recommande le président du CRCM.

En parallèle, l’organisation formule des requêtes aux édiles. Avec plus ou moins de compréhension. « On a envoyé une soixantaine de courriers aux maires de la région. Certains ont répondu positivement. D’autres veulent avoir des renseignements complémentaires. Une partie des élus a refusé sèchement, en utilisant des arguments bizarres, comme celui de la laïcité par exemple. Enfin, les derniers n’ont pas répondu. »

Or, cette démarche est soutenue par l’État, qui a rédigé une circulaire en ce sens. De même, les préfectures jouent un rôle de médiation dans le cadre d’une double compétence. « Nous veillons à assurer le respect des convictions religieuses de chacun, sans prosélytisme, assure Alain Gueydan, directeur de cabinet du préfet. Nous jouons aussi un rôle de conseil auprès des collectivités locales en matière de réglementation. » Pas inutile pour renouer un dialogue parfois difficile.

Josué JEAN-BART.