mardi 31 décembre 2002

Selon les religions, comment sont vécu les fêtes de fin d’année ? Maurice Ellouk, président de la communauté juive de Caen ; Jacques Thierry, prêtre catholique à Hérouville ; Éric Trocmé, pasteur de l’Église réformée de Caen et Hassam Safoui, vice-président de l’Association islamique et culturelle du Calvados nous éclairent et nous livrent leurs souhaits ou ceux de leur communauté pour 2003.

Maurice Ellouk pour la communauté juive. « Pour nous, la fête de Noël ne signifie pas grand chose. En revanche, nous avons une nouvelle année hébraïque. Le plus important dans notre communauté, c’est la fête des Lumières (Hanouka) qui s’est déroulée il y a quinze jours. Pendant une semaine, nous allumons des lumières pour éclairer le monde contre les Ténèbres. Nous commémorons la profanation du temple de Jérusalem par les Grecs, il y a un peu plus de 2 000 ans. Mais, bien sûr, nous fêtons la nouvelle année civile avec plaisir. »

Un souhait pour 2003 ? « Nous invitons les responsables des grandes familles religieuses monothéistes à prier pour la paix au Moyen-Orient, en France et dans le monde. Nous appelons au respect de la vie humaine, de l’ordre public, de l’autre dans sa différence et à l’esprit de tolérance de toutes les communautés. »

Jacques Thierry pour la communauté catholique. « La grande fête des chrétiens reste Pâques. Pour nous, Noël célèbre la naissance de Jésus, mort sur la croix et ressuscité. Nous ne connaissons pas la date de naissance de Jésus. Si nous fêtons le 24 décembre, c’est que chez les Romains, c’était la fête du Soleil. Par ailleurs, ce sont des bergers qui ont vu Jésus en premier. C’est important car à l’époque, ils étaient considérés comme des impurs et des exclus. Nous avons aussi une nouvelle année liturgique qui commence à l’Avent, soit quatre semaines avant Noël. »

Un souhait pour 2003 ? « Que chacun puisse aller prier dans la paix à Bethléem, où Jésus est né. »

Éric Trocmé, pasteur protestant. « Je me reconnais dans ce que dit le père Thierry. L’importance de Noël est la même pour nous, puisque nous faisons partie de la famille chrétienne. Quand Jésus est né, les Romains étaient les oppresseurs. Le premier Noël s’est déroulé dans un contexte difficile, nous sommes loin des images d’Épinal. Si Dieu est intervenu dans ce contexte particulier, ce n’est pas un hasard. Jésus nous est envoyé comme une lumière. Cela nous montre que Dieu prend l’humanité telle qu’elle est, avec ses défauts et sa violence. Dieu nous apporte l’espoir. »

Un souhait pour 2003 ? « Je souhaite que l’amour du prochain soit la valeur dominante, que les réflexes identitaires n’empêchent pas les rencontres entre les différentes communautés. »

Hassam Safoui pour l’Association islamique et culturelle du Calvados. « Noël ne s’inscrit pas dans le calendrier des fêtes musulmanes. Nous fêtons la fin du Ramadan ou rupture du jeûne, début décembre. Nous avons aussi la fête du Sacrifice d’Abraham, deux mois et 10 jours après la fin du Ramadan. Nous reconnaissons Jésus uniquement comme un prophète, nous lui reconnaissons la naissance miraculeuse, mais pas la crucifixion et donc le caractère divin. »

Un souhait pour 2003 ? « Nous voulons un vrai échange responsable entre les religions. Nous faisons des efforts pour nous ouvrir. Nous souhaiterions qu’il y ait plus de recherche de la vérité et de modestie culturelle. J’aimerais qu’on nous juge sur pièce et qu’on arrête les raccourcis assassins. Nous faisons partie de religions monothéistes, apprenons à dialoguer et à vivre en bon voisinage. Nous aimerions aussi qu’advienne une paix juste, car il peut y avoir une paix sans justice, avec un peuple dominé. L’Islam est en quête de paix, il faut le rappeler. Et il est incroyable qu’on ne puisse pas prier à Bethléem. »

Propos recueillis

par Isabelle LÊ.

Source : ouest-france.fr